vendredi 30 octobre 2009

Chèvreville refuse de mourir pour la THT

La ligne THT passera par Chèvreville en souterrain ou ne passera pas ! Telle est la conviction de la petite commune du sud-Manche.

La petite commune rurale de Chèvreville, non loin de Saint-Hilaire-du-Harcouët, dans le sud-Manche, et ses 200 habitants refusent avec vigueur la perspective de la disparition pure et simple du village. 'C'est bien ce qui nous attend, se désole Gilbert Daniel, le maire de la commune, 'si RTE, maître d'ouvrage du projet de ligne THT de 400 000 volts Cotentin-Maine, persiste à vouloir faire passer l'ouvrage en aérien sur le territoire de la commune. D'ores et déjà, aucun permis de construire n'a été sollicité depuis l'annonce du projet, alors qu'il y en avait eu 35 les dix années précédentes. La raison ? L'association 'THT touche pas à Chèvreville la fournit : 'La ligne passerait à 300 mètres des principales zones d'habitation, dont le bourg et son école, ainsi que de deux zones constructibles et d'exploitations agricoles avec des productions hors sol.

Guerre ouverte
Une situation évidemment inacceptable au regard des effets redoutés de la THT sur la santé et sur les agréables paysages locaux. Une situation inévitable pour RTE qui semble prêt à sacrifier Chèvreville sur l’autel de son rendement économique. Un village de 200 âmes ne pèserait rien dans la balance du poids économique de la THT. Depuis, une guerre ouverte oppose la filiale d’EDF - qui refuse catégoriquement de revoir sa position - à la plupart des habitants de la commune, élus en tête. “La seule proposition qui nous a été faite a été de planter des arbres pour cacher la ligne… qui de toute façon resterait très visible dès qu’on s’en éloignerait un peu !” s’indigne Daniel Lair, membre de l’association anti-THT locale.
De son côté, Gilbert Daniel s’insurge contre les méthodes désinvoltes et méprisantes de RTE : “Ils ont voulu nous rencontrer mais n’ont jamais accepté de nous faire connaître par avance à quel sujet précis. Nous avons donc toujours refusé”. Bientôt, les relations se dégradent à tel point que les représentants de RTE ne se rendent plus à Chèvreville qu’accompagnés de gendarmes.
Une précaution qui semble excessive.

Intimidation
La filiale d’EDF entend coûte que coûte faire avancer son travail sur la commune, véritable point noir à ses yeux, afin de ne pas retarder le projet Cotentin-Maine dans son ensemble. Un souci qui, face à la détermination farouche des Chèvrevillais, l’a conduit à employer des méthodes proches de l’intimidation. “Une maison a été achetée par EDF dans la commune limitrophe de Milly. Peu après”, se souvient Philippe James, agriculteur à Chèvreville, “des habitants de la commune nous ont dit : “vous voyez, la partie est perdue, ce n’est plus la peine de se battre !” Autre exemple : lors de l’enquête publique de l’été dernier, des représentants de RTE se rendent en mairie avec l’intention de prendre des photos des registres mis à disposition du public… Parfois, le procédé est plus doux, faute d’être plus habile. “RTE nous présente un second tracé de la ligne sur la commune, plus catastrophique encore que le premier. Et nous dit ensuite qu’il y renonce pour revenir au premier.”
Traduction : acceptez ce qu’on vous propose sinon ce sera pire. “Il y a pourtant une solution à cette affaire, que nous préconisons depuis le départ avec le soutien de parlementaires comme Guénhaël Huet, député-maire d’Avranches”, affirme à juste titre Gilbert Daniel : “L’enfouissement de la ligne THT. C’est possible et cela ne gênerait pas le projet Cotentin-Maine.”
Mais RTE ne l’entend absolument pas de cette oreille. De crainte, probablement, que l’exemple de Chèvreville ne fasse école jusqu’à gagner l’ensemble des communes concernées par le tracé de la future ligne THT.

[ Fabrice Constensoux - La Manche Libre - 28 octobre 2009 ]