En ce début de saison estivale, le projet de ligne aérienne à très haute tension (THT) « Cotentin-Maine » lié à l’EPR de Flamanville se met lui aussi en vacances. Mais l’attention qu’on lui porte ne se relâche ni du côté du maître d’ouvrage, RTE, filiale d’EDF, ni du côté de ses adversaires résolus, qu’il s’agisse d’associations locales ou d’élus.
C’est qu’à partir de septembre prochain s’ouvrira une étape importante de ce projet, l’enquête publique sur le tracé de la ligne, préalable obligé à la déclaration d’utilité publique. Dans cette perspective, les parlementaires concernés ne semblent pas pour l’instant être en mesure de peser vraiment en faveur de cette solution.
Une arme efficace
Député-maire (UMP) d’Avranches, Guénhaël Huet, sans conteste le plus actif d’entre eux, a enregistré avec dépit la défection de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, qui avait pourtant affirmé publiquement, lors de son passage dans la Manche les 8 et 9 mai derniers, qu’elle reviendrait fin juin dans le sud du département pour évoquer la ligne THT. En revanche, les élus membres du collectif interdépartemental des maires contre la THT, dont le coordonnateur est Jean-Claude Bossard, maire du Chefresne, ont su se forger une arme efficace face à RTE. Il s’agit de l’arrêté, pris jusqu’à présent par vingt d’entre eux, interdisant le passage de la ligne THT sur le territoire de leurs communes à moins de 500 mètres d’une maison d’habitation ou d’un bâtiment d’élevage.
Intimidation
Argument avancé : le devoir d’un maire est de prendre en compte la santé de ses administrés, par référence à la Charte de l’environnement pour qui tout un chacun a le droit de vivre dans un milieu respectueux de sa santé.
Face à cela, les sous-préfets des arrondissements concernés ont sommé les maires de retirer leurs arrêtés (ce qu’aucun n’a fait), au nom de leur absence de compétence pour agir ainsi, tandis que RTE déposait des recours, avec demande d’indemnité financière à la clé, devant le tribunal administratif de Caen. Pour Jean-Claude Bossard et le collectif, ce sont là des manœuvres d’intimidation car les maires sont effectivement compétents pour prendre ce genre d’arrêtés et RTE, lui, ne le serait pas pour contester les arrêtés devant le tribunal administratif. D’ailleurs, la filiale d’EDF ne s’en est prise qu’à six arrêtés sur les vingt, et préfère préciser dans un courrier adressé aux maires des autres communes que la ligne THT aérienne ne présente pas de danger pour la santé. D’où l’injonction du collectif à ses membres de ne pas retirer leurs arrêtés – qui restent valables aux yeux de la loi – mais au contraire de continuer à en prendre tant qu’un jugement ne sera pas intervenu. Ce qui peut prendre au moins un un an… et freiner le projet pendant ce temps. De fait, le collectif estime que « si un maire prend un arrêté, RTE n’est pas gêné, si trente maires prennent un arrêté, RTE est bloqué. » Et d’ajouter : « En tout état de cause, les arrêtés ne seront pas retirés tant que nous n’aurons pas de garanties absolues quant à l’absence totale d’effets sur la santé des lignes THT.
Par ailleurs, si RTE veut rencontrer une municipalité, nous mettons comme conditions que la réunion soit publique et que les recours contre les arrêtés des six communes soient retirés. » Mais aujourd’hui, les maires anti-THT attendent les résultats - prévus pour septembre - de l’enquête du Criirem (Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques) auprès des riverains de l’actuelle ligne THT ainsi que ceux de l’étude de l’INSERM sur le même sujet.
Alors, plutôt que de faire prendre délibérément des risques inconnus à ceux qui seront les riverains de la ligne THT, tout en massacrant les paysages de notre région, pourquoi ne pas se rallier d’emblée à l’enfouissement, solution d’avenir qui évite ces graves inconvénients ?
REPERES
Nathalie Kosciusko-Morizet
Comme Guénhaël Huet, le collectif des maires opposés à la THT souhaitait rencontrer Nathalie Kosciusko-Morizet afin de lui demander d’agir en faveur d’un moratoire sur la THT et qu’un débat parlementaire sur les champs électromagnétiques se mette en place. Il devra attendre.
Au ministère
En attendant que la ministre revienne dans la Manche, Guénhaël Huet et les parlementaires (UMP) manchois devraient la rencontrer à son ministère courant juillet. Le député-maire d’Avranches verra aussi Philippe Dumarquez, directeur régional de RTE.
Boycott
Pour attirer l’attention sur la THT, le collectif des maires envisage un boycott de l’enquête publique de septembre, car cela mettrait « le préfet dans l’embarras » en l’obligeant à réquisitionner des salles et à poser des bureaux mobiles.
Fabrice Constensoux
La Manche libre, le 12/07/2008