La publicité de la banque verte "Investissons l'avenir" qui accompagne l'article tombe à pic. N'est-ce-pas plutôt le krack qui se dessine pour certaines communes traversées par la THT ?
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CHÈVREVILLE (MANCHE) ENVOYÉE SPÉCIALE
Dans le jargon de RTE, le transporteur national d’électricité, Chèvreville est ce que l’on appelle un « point dur ». Les deux cents habitants de ce village tranquille sont entrés en rébellion contre le tracé de la ligne à très haute tension (THT) Cotentin-Maine, qui doit relier le réacteur nucléaire de troisième génération EPR (réacteur pressurisé européen), situé à Flamanville, au réseau électrique national. L’entrée en service est prévue fin 2011. Selon RTE (Réseau de transport d’électricité), cette ligne de 150 km permettra de sécuriser l’approvisionnement de l’ouest de la France.
A Chèvreville, tous voient déjà la « balafre ». La ligne débouchera en haut d’une colline, coupera à travers champs, passera entre la route, la rivière et les maisons, s’approchera à 400 mètres de l’école maternelle. Six pylônes, hauts de 45 à 65 mètres, peupleront bientôt le village. « Nous sommes touchés dans notre chair », résume Hervé Gaté, porte-parole de l’association THT Touche pas à Chèvreville. La taxe au pylône promise (3 600 euros par an) n’y change rien.
Les habitants remuent ciel et terre. Ils ont boycotté, à l’unanimité, les dernières élections municipales. Depuis un nouveau maire a été élu, il continue le combat. Dans les quatre départements touchés (Ille-et-Vilaine, Mayenne, Calvados, Manche), sur les 74 maires concernés, une vingtaine ont pris des arrêtés « anti-THT », demandant un passage de la ligne à 500 mètres des habitations. « Pas question de rejeter la ligne chez nos voisins, précise Gilbert Daniel, le maire de Chèvreville. D’accord pour qu’elle passe chez nous, mais pas dans n’importe quelles conditions. »
Il est bien fini le temps où l’arrivée des pylônes, synonyme de raccordement au réseau électrique, était fêtée dans les campagnes. La révolte d’une partie des élus de la Manche est la preuve d’un changement d’époque. « Nous sommes habituellement une région conservatrice, silencieuse, où l’on accepte tout », affirme M. Gaté. La Manche doit en outre beaucoup de son développement économique au nucléaire. Elle accueille déjà deux réacteurs, auxquels viendra s’ajouter l’EPR, à Flamanville, ainsi qu’un centre de retraitement et un site de stockage souterrain, à la Hague.
Seul le collectif Manche sous tension remet en cause cette vocation. « L’EPR a uniquement une vocation commerciale, affirme Guillaume Anfray, son coprésident. On veut spécialiser la France dans la production d’électricité nucléaire, et on garde les déchets. » Les autres associations et la plupart des élus évitent ce terrain, et focalisent leur combat sur les conditions du passage de la ligne THT, soit par adhésion à l’énergie nucléaire, soit par pragmatisme.
L’impact de la ligne de 400 000 volts sur le paysage est redouté, ainsi que ses conséquences en cascade : dévaluation immobilière, baisse de l’attractivité touristique. Des témoignages d’éleveurs font état de maladies dans leurs troupeaux. De possibles effets des champs électromagnétiques sur la santé humaine inquiètent. Une étude épidémiologique portant sur 29 000 cas de cancers infantiles, publiée en 2005 au Royaume-Uni, a montré une association entre la leucémie infantile et la proximité de résidence à la naissance des lignes à haute tension. L’étude n’a pas conclu à un lien de cause à effet, en l’absence de mécanisme biologique connu.
En France, le dernier rapport d’experts sur le sujet, daté de novembre 2004, est très rassurant. Il conclut que l’ensemble des données disponibles est en faveur de « l’absence d’effets sanitaires » chez l’homme. Mais les riverains demandent l’application du principe de précaution. Une solution, en particulier, est plébiscitée : l’enfouissement.
Elle a été retenue, fin avril, pour l’interconnexion électrique entre la France et l’Espagne, afin de préserver les paysages des Pyrénées. Galvanisés, les Normands réclament « l’égalité de traitement ». L’association Respecter le bocage réfute l’argument du surcoût. Elle rappelle la facture de la tempête de 1999 pour EDF : 5,3 milliards d’euros, « qui auraient été économisés si les lignes avaient été enfouies ». Elle prend aussi appui sur les travaux du député (UMP, Bouches-du-Rhône) Christian Kert, qui prône dans un rapport parlementaire le lancement d’une politique volontariste d’enfouissement, pour baisser les coûts.
RTE rejette l’enfouissement total pour des raisons techniques et de coût. Evalué à 200 millions d’euros en aérien, il serait multiplié par 6. « L’enfouissement partiel est envisageable, mais comment identifier les zones ?, interroge Jean-Marc Perrin, le directeur du projet. Tout le monde pourra dire : »Pourquoi eux et pas nous ?« » Selon lui, le tracé choisi, étudié et discuté au cours d’un millier de réunions, est « celui qui répond le mieux possible à l’intérêt général ».
« Nous sommes réalistes, nous ne demandons pas l’enfouissement total, mais seulement dans les endroits où la ligne est la plus gênante, affirme le député Guénaël Huet (UMP, Manche). Mais on ne peut pas discuter avec RTE : ils viennent deux fois en hélicoptère et croient connaître le pays mieux que nous. » Selon son collègue Yannick Favennec (UMP, Mayenne), le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo s’est récemment engagé auprès de lui à ce qu’il n’y ait « aucune discrimination » entre l’Ouest et les Pyrénées.
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